L'agneau by François Mauriac

L'agneau by François Mauriac

Auteur:François Mauriac [Mauriac, François]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature française
Éditeur: Flammarion
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


VII

Jean avait laissé la porte du petit salon entrouverte, comme Michèle l’en avait prié. Dès son entrée, la vieille dame posa sur le guéridon son rosaire à gros grains, jalonné de médailles ; il lui avait suffi d’un coup d’œil pour comprendre que Mirbel venait l’attaquer et qu’il voulait aller vite. Les premiers mots du garçon furent pour se réjouir de la trouver seule « ayant une prière à lui adresser » et il avança une chaise.

— S’il ne dépend que de moi... dit Brigitte, d’une voix suave.

— C’est à propos du petit Dartigelongue.

— Ah ! vraiment ? le petit Dartigelongue... répéta la dame. Elle était déjà au fait. Le terrain choisi par Mirbel lui était connu. Elle répéta à mi-voix : « Ce pauvre garçon, oui... oui... » Et soudain, d’un air décidé :

— Eh bien, veux-tu savoir toute ma pensée ? Je reviens beaucoup de mes préventions. Mais c’est un enfant qu’il faudrait reprendre en main.

— Voilà où je vous attendais, dit Mirbel. C’est à ce propos que je voulais vous mettre en garde.

Elle rit, elle se rengorgea : « Me mettre en garde ? moi ? »

— Il ne faut à aucun prix, ma mère, que vous cherchiez à le prendre en main, comme vous venez de dire, que vous interveniez en ce qui concerne sa vocation, sa vie intérieure. Je sais à quel point il en souffrirait.

Elle ne bronchait pas, un reflet dansait sur ses verres noirs. Elle le voyait venir. Il insista :

— C’est notre hôte, n’est-ce pas ? Nous nous devons de le protéger contre des entreprises inspirées par les intentions les meilleures, vous pensez bien que je n’en ai jamais douté.

Il s’étonnait de ce que Brigitte Pian ne réagissait pas à l’attaque. C’était lui qui, à son insu et à mesure qu’il parlait, haussait le ton.

— Votre zèle vous aveugle et vous entraîne. Il n’y a que vous qui n’ayez pas eu conscience de ce qu’avait d’intolérable, devant nous, votre allusion à la lettre de son idiote de mère, bien incapable de rien comprendre à un esprit de cette race. Je ne permettrai pas que sous notre toit, elle puisse trouver des complices, dans la persécution qu’elle prépare contre Xavier. En un mot, je vous demande, ma mère, de ne plus parler à mon ami, de ne même plus faire allusion au débat qui le déchire en ce moment.

Brigitte Pian demeurait de pierre. Quand il se tut, elle enleva ses verres, découvrant un œil sombre qui exprimait un calme profond. Elle attendit un peu avant de répondre, et elle balançait son buste, souriant à ce qu’elle allait dire.

— Mon pauvre Jean ! Sans doute vais-je t’étonner beaucoup, mais je pense comme toi qu’il faut intervenir le moins possible dans cette histoire, à moins d’y être forcé comme je l’ai été par la lettre de Mme Dartigelongue ; mais même alors je me garderai d’insister, ayant dit ce que j’avais à dire.

— Allons donc ! Comme si vous ne l’aviez pas menacé de vos directions.



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